Ecrire

Publié le par VinX

Tout ce que je sais faire c'est écrire.


Ecrire. Ecrire. Ecrire. Ecrire. Ecrire.

Ecrire, bordel. Comme si ça pouvait vraiment ramener les morts et l'amour, rendre heureux ou apaiser la douleur de vivre. Old school, version crayon ou stylo, plume ou feutre qui donne l'impression de graver ou de peindre un papier qu'on se choisit. Ça permet toutes les approches : sensuelles, esthétisantes, pensives, romantiques, hâtives,... On retrouve nos mots enroulés au fil d'une pensée qui se déploie et tente de lui donner un corps fragile en séchant.

Modern school, version électronique, digitale, du pouce ou des dix doigts sur un clavier qui obéit également au rapport à la technique : qui a gardé son vieux keyboard au plastique brun ou jauni, aux touches épaisses et rassurantes de l'un de ses vieux ordinateurs, qui a opté pour un classique ultra-plat dont on effleure les lettres patinées de plastique.

Fantastique.

Et on gaîne avec plus ou moins de savoir-faire idées, aspirations, peurs, on projette ce qu'on peut, ce qu'on croit être, on tente de devenir, on fait le texte avec la matière de nos rêves, de nos raisonnements, de nos calculs, de nos mépris, de nos désintérêts.

On a l'impression de devenir.

Si c'est le cas, alors ça ne s'arrête jamais et le texte n'est qu'une tranche fugace et vaguement sémiotique d'un état dont la stabilité est le chaos, l'organisation un permanent déséquilibre, la raison d'être un désire fugace et tenace.


Ecrire est une interrogation.

Et c'est tout ce que je sais faire.

Alors j'invente un cocon dans lequel me retirer, où métamorphoser ma souffrance et devenir un énorme point d'interrogation. J'entre et j'en sors pour ne pas risquer de m'envoler en papillon éphémère que la vie dévore vite et bien.

Je veux durer. J'ai l'énergie farouche des roches sédimentaires.

Illusion de cocon que berce la fragilité.

J'écris que je rêve, mais je ne dors plus.


J'ai peur de la mort comme on peut craindre son père quand il devient violent. Et je n'ai pas l'ignorance d'une croyance. Je me retourne sans arrêt pour guetter une invisible approche : c'est rampant, mais il n'y a rien. Alors comment ça peut ramper ?

Parce qu'on aura toujours ce geste intérieur de déposer hors de soi. On peuple le monde de fantasmes, on tue et on fait l'amour pour des raisons qui nous échappent et si on les saisit, leur généalogie ne suscite aucune compréhension.


La motivation ultime de vivre est chantée par l'identité.


Et j'ignore qui je suis.


Je n'ai pas de communauté, ou plutôt si, je les ai toutes : j'ai le monde des hommes, cette colonie du pléistocène dont le jeu des descendances a abouti à l'éclosion de ma conscience, un jour, dans un coin rabougri d'Europe. Je n'ai cessé de décroire : aussitôt apprise, la croyance m'était retirée par l'échange doux-amer d'une regard curieux avec le champ étroit des expériences disponibles.

Je n'ai pas le luxe de croire à l'invisible, ni à la magie, ni à la survie de l'âme. Les interprétations mystiques sont des divagations. Il n'y a qu'un corps qui enfile les perles de souvenirs tant qu'il peut jusqu'à sombrer sous son propre poids dans les eaux noires du temps.

Ce n'est même pas pas une vision négative quand on considère l'écume du passé. Il y a dans les ruines un élan qui invite à en devenir une aussi. C'est inévitable. Nos os sont blancs et n'attendent qu'un peu de lumière pour le révéler, avant de se cacher pudiquement sous terre.

Le voir et le dire, se situer, montrer les limites de son expérience et de son existence c'est tracer un contours, m'approprier ce qui peut l'être et embrasser ce qui m'entoure avec affection.


J'ai peut-être à dire ce recul qui s'invite lorsque je vois le monde, et qui étrangement m'en rends si solidaire.


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Publié dans Tout ou rien

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A
Ce que tu sais faire: tu le fais merveilleusement bien.Ce que tu es: tu t'obstines à l'écrire avec un point d'interrogation en envoyant valser le point dans l'espace intersidéral mais tel un boomerang, il revient toujours... Tu es un écrivain.Avec un point en forme de poing...Bravo!
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V
<br /> Merci Avastella :)<br /> <br /> <br />